Préambule d'usage
En premier lieu, je dois vous expliquer pourquoi "trois cylindres". Les amateurs de motos anglaises, arrivés là par la magie de Google, vont être déçus : ce blog n' a rien à voir avec les Triumph. Trois cylindres est le surnom que m'avait donné François Gachet (ex champion de VTT), en rapport à mon physique d'ablette, mais surtout à mon handicap de la jambe droite. A vélo, effectivement je tourne sur trois cylindres (en référence aux quatre cylindres des moteurs les plus courants pour les moins férus de mécanique), puisque je pédale sur une jambe et demi. Bien entendu, l'usage de cales automatiques ou même de cale-pieds est inenvisageable. Mais l'important reste de continuer à pédaler, même sur "trois pattes". En route, donc !
Lien direct vers l'épisode 1 : Trois Cylindres en Aveyron
Toujours sur trois cylindres donc, mais avec un peu plus de chevaux sous le capot, je suis reparti pour un dernier trip à vélo avant l'automne. Au programme : environ 300 kilomètres sur six jours, dans le Tarn et le Haut Languedoc. En ce qui concerne les préparatifs, j'ai largement optimisé mon chargement, en améliorant de nombreux points de détail. En prévision des fraîches nuits de septembre, j'ai fait l'acquisition d'un matelas auto-gonflant à la fois plus isolant et plus léger que le précédent. Mon nouveau duvet est pour sa part théoriquement prévu pour offrir un bon confort à 6°. Théoriquement... Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne, et donc surtout pas mon attelage Sunn Exact Flex + remorque Bob Yak !
Etape 1 : Saissac / Mazamet via le Pic de Nore - 61 km.
Gros morceau d'entrée !
Après mon voyage en Aveyron, j'ai continué à rouler un peu, dans les Cevennes, puis dans le Tarn. De quoi faire de la bonne bosse ! Mais j'avais aussi prévu de monter au Pic de Nore. Finalement, je le ferai, mais en version "chargé" (un terme qui ne recouvre pas la même signification pour tous les cyclistes, notez bien !). Je pars donc de Saissac, en ce lundi matin dans une forme moyenne, mais plutôt optimiste malgré le gros morceau qui m'attend. Une fois franchie la route de Carcassonne à Mazamet, je plonge dans les tréfonds de la Montagne Noire, au coeur d'une belle forêt, dans laquelle je croise une harde de sangliers. Mais je descends bien bas ! A Mas Cabardès, précisément. D'environ 250 m il va falloir monter à 1211 m exactement, au sommet du Pic de Nore. Gloups ! La montée vers Pradelle Cabardes (900 m) se fait difficilement. Une fois à l'entrée du village, je trouve un coin de pré ou m'abriter tant bien que mal du vent, déjeune d'une tranche de jambon et de chips (grossière erreur), et pique un bon roupillon ! Reste maintenant à attaquer un Pic de Nore que je m'imaginais un peu moins pentu. C'est sûr qu'en voiture, ça ne fait pas le même effet. Je gère mon peu de forces tant bien que mal, m'arrêtant deux fois au cours des six kilomètres d'ascension, luttant contre les chips à l'oeuvre dans mon estomac (voire au bord des lèvres...), et le vent qui me stoppe net au détour de certains lacets. Je ne traîne pas au sommet, les bourrasques sont glaciales, et j'attaque vite la descente vers Mazamet, après qu'un monsieur ait gentiment proposé de me prendre en photo. La route, en très mauvais état, tient plus de la piste forestière. Je croise une voiture de rallye qui s'est crashée dans les arbres, et que l'on essaie de sortir. Au pied de la descente est dressé le camp de base d'une équipe Catalane bien connue en pleine séance de test. Camping de Mazamet : bof... La route passe tout près, les centres commerciaux sont à portée de main. Bref, les joies du camping en ville.
Dialogue avec un cycliste
Dans les tous derniers lacets de l'ascension du Pic de Nore, je me fais doubler par un cycliste, un vrai. Pas comme moi ! L'athlète pilote un VTT Lapierre de XC, chaussé en pneus de route, et il me dépose littéralement sur place... sans un mot ni un regard. Je me hasarde malgré tout à le saluer, comme il se doit :
-"Bonjour !
- ...
- BONJOUR !!!
-...
- HO ! Tu dis pas bonjour ?!
-...
- Connard ! Tu pourrais dire bonjour..." (là il est trop loin pour m'entendre)
Une fois au sommet, le Champion fait la tête dans son coin, mais parvient malgré tout à marmonner un truc incompréhensible lorsque je lui souhaite à nouveau le bon jour. Le vélo est bien le seul point commun des multiples disciplines et états d'esprit du cyclisme. S'il est chargé, celui là, ce n'est certainement pas comme moi...
Etape 2 : Mazamet / La Salvetat sur Agout - 43 km
Désorganisation
La nuit a été relativement fraîche à Mazamet, et je pars plus tard que prévu, après avoir essayé de faire sécher ma tente. Du coup, je fais l'impasse sur les provisions. Deux kilomètres après être sorti de Mazamet, j'attaque la première montée, que j'imagine courte, Dieu sait pourquoi. Je l'entame donc sur un rythme soutenu, enfin si on peut parler de rythme, puisque je n'équilibre pas du tout mon effort entre ma jambe dite bicylindre, et l'autre, la monocylindre. Bref, au bout de deux kilomètres, je fais des zigzags sur la route en essayant de reprendre mon souffle. Ça commence bien. A quatre kilomètres, je me rends compte que ça risque de monter assez longtemps, finalement. Mais surtout, niveau rythme, c'est toujours n'importe quoi. Il m'en faudra deux ou trois de plus (des kilomètres), et moultes auto-engueulades pour arriver à me discipliner quelque peu. Heureusement, car en arrivant au Vintrou, je monte depuis neuf bornes. Bon, on s'est un peu organisé, du côté des gambettes qui arrivent enfin à travailler ensemble, on va pouvoir passer à l'épicerie, avant de reprendre la route -qui grimpe encore plus fort, soit dit en passant. Ha oui, mais sauf qu'au Vintrou, village peuplé de quatre vingt cinq âmes, ne se trouve point de commerce. Décidément aujourd'hui c'est la grande désorganisation! Je repars donc en direction d'Anglès, où je suis sûr de trouver de quoi ravitailler. La route monte raide, mais elle traverse une forêt superbe. Peu après le lac des Saint Peyres, une très belle ferme, immense, surplombe une clairière. Un endroit hors du temps. J'arrive à Anglès vers 13H30. je sais que l'épicerie ne sera pas ouverte, mais je compte bien prendre au moins un café au bistrot. Lequel est fermé lui aussi. Pour congés annuels. J'avais un peu oublié que la grande majorité de mes concitoyens est au boulot en ce moment même. Et que les travailleurs saisonniers se reposent. Bon, hé bien il n'y a plus qu'à continuer jusqu'à la Salvetat sur Agout. Et ça monte encore. Toujours en zigzags (moi, pas la route). Du coup je serai arrivé à bon port en début d'après midi, ce qui me laissera le temps de m'installer tranquillement au camping, et de visiter le village.
Ambiance post estivale
Avant même de commencer à rouler, le ton général de mon périple était donné. Rien à voir avec l'ambiance estivale en cette mi septembre. S'il fait beau -pour le moment- les matinées sont fraîches et il règne une atmosphère alanguie, qui n'a rien à voir avec la torpeur de l'été. Vers 9H, le temps reprend son souffle, après la rentrée des classes. Les travailleurs ont déjà été escamotés par leurs besognes, au café, quelques inactifs, dont deux ou trois petits vieux profitent de la douceur d'un soleil qui réchauffe enfin un air frisquet. Ambiance laconique. A l'intérieur, quelques mamans se retrouvent comme chaque matin, après avoir posé les enfants à 'école. Ambiance volubile. Le comptoir est déserté, et pour cause, la patronne a installé sa table à repasser dans un coin de la salle, et s'active sur une chemise. Un écriteau mentionne : "ici c'est comme au PSG, on encaisse et on ne marque pas". Une fois parti, la route est peu empruntée. On croise quelques camions, les tracteurs sont déjà à l'oeuvre dans les champs, l'infirmière à domicile me double deux fois. Il n'y a pas âme qui vive dans les villages sans commerce, mais en passant devant l'école me parviennent les cris des enfants en pleine récréation. Dans les endroits plus touristiques, tout, ou presque, est fermé. Au bord des lacs, les villages de vacances sont parés pour passer l'hiver, nombre de cafetiers sont en congés annuels (et merde...) et si les oriflammes des bases de loisir ont disparu, quelques affiches récurrentes témoignent encore d'une activité festive révolue : ¡hace calor! proclame l'une d'elles -plus ou moins à propos-, qui m'accompagnera tout au long de mon périple.
Etape 3 La Salvetat / Le Rieu Montagné - 37 km
Demi étape de repos
A 800 m, en cette période, à l'aube, il ne fait pas bien chaud. J'avais demandé au gardien du camping de m'indiquer un emplacement au soleil le matin, mais c'était sans compter sur la sortie tardive de ce dernier, et surtout sur le fait qu'il lui faudrait près de la matinée entière pour pointer au dessus des collines. Je démarre donc très très lentement ! Mais j'ai tout mon temps : l'étape à venir est particulièrement courte. De fait, je voulais absolument passer par Lacaune, que j'avais évité lors de mon dernier voyage. Les dix neuf kilomètres de la Salvetat à Lacaune se font facilement. Ça monte moins que ce que j'imaginais. Décidément je me plante tout le temps ! Une fois sur place, je déjeune dans le parc de la maison de la Charcuterie, en compagnie d'une commerçante locale, et des trois petits cochons qui vivent là (voir photos). Je traîne longuement dans le village, où je fais quelques courses, et papote ici et là. La charcutière m'interroge sur mon chargement : elle projette de partir à vélo avec son mari. Puis, alors que je photographie mon vélo devant sa vitrine de jambons, elle se précipite à l'extérieur pour me proposer de me prendre en photo. A Rieu Montagné, je découvre le lac du Laouzas, sous un soleil splendide. Tous les campings sont fermés, mais les patrons des "Rives du Lac" me proposent de m'installer près d'un chalet, qui me servira de sanitaire. Vu la fraîcheur de l'endroit - près du lac, et en bordure de ruisseau, le tout à près de 900 m, je propose de louer le chalet, plutôt. Bien m'en prends : la nuit va effectivement être glaciale. Si le camping est fermé, deux retraités y occupent malgré tout une caravane installée à l'année. Je m'enquiers auprès d'eux d'une épicerie pour acheter un coca. Mais celle ci n'est ouverte qu'en saison. Du coup, la dame me porte une bouteille de jus d'orange.
Dialogue avec l'ouvrier du camping
Comme je prépare mes affaires, ce matin, à la Salvetat, un ouvrier qui travaille sur le camping m'aborde :
"Vous allez loin comme ça ?
- Bof, pas trop, je suis parti pour une dernière semaine avant qu'il ne fasse trop froid
- Quand même vous devez être sportif...
- Heu non, pas particulièrement.
- Mais vous vous êtes préparé ?
- C'est à dire que j'ai roulé une semaine en Aveyron cet été, donc ça va, et avant ça, j'ai fait surtout du canal à Toulouse. Mais je roule doucement de toutes façons.
- Ha oui, c'est plat le canal... et vous vous échauffez avant de partir ?
- Mmmh, non plus... je roule sans forcer au début.
- Non parce que moi, je suis un ancien sportif de haut niveau, en course à pied, alors je connais bien tout ça. Là j'ai recommencé à fumer, mais je vais arrêter. Les copains de disent de reprendre l'entraînement, mais si c'est pour courir deux ou trois fois par semaine ça sert à rien.
-...
- Ben oui, avant je courrais tous les jours. Là les gars ils courent à douze à l'heure, alors qu'ils pourraient courir à quinze. Je vois pas l'intérêt.
- Bah, vous savez, moi des fois je fais du douze de moyenne à vélo ! alors...
- Ha ouais ? et vous faites combien de kilomètres par jour ?
- En moyenne, cinquante, mais avec de la bosse.
- C'est pas beaucoup !
- Heu, moi ça me va bien, surtout avec la remorque. Et puis je ne fais pas ça pour battre des records !
- Oui c'est sûr, vous avez combien de plateaux? trois ? moi sur mon vélo j'en ai deux, mais je ne mets jamais le petit.
- ha oui ? Ben moi si. Souvent !
S'en suit un dialogue de sourds sur les démultiplications - il ne comprend pas que le petit pignon, à l'arrière fait tirer long à l'inverse du plateau- puis on se souhaite une bonne journée, et chacun retourne à ses occupations.
Etape 4 Rieu Montagné / Saint Pons de Thomières - 84 km
La grosse étape !
Au temps splendide de la veille ont succedé les nuages et l'humidité. La pluie, annoncée pour le lendemain est en avance. Avantage du chalet, je peux partir tôt ce matin, direction Murat, pour une halte "provisions, Libé, café". ceci étant fait, la suite de l'étape est assez facile, et après un petit col, hop, c'est parti pour descendre durant une douzaine de kilomètres, avec au passage un point de vue superbe sur les monts du Languedoc, depuis la Croix de Mouny. Passage rapide à Saint Gervais, très joli village, avant d'attaquer deux petits cols faciles et enchaînés. Au sommet du premier, je croise un cyclotouriste d'une cinquantaine d'années assez pittoresque. Il est sur-équipé : lampe frontale sur le casque, des accessoires partout, tapis de boules, style chauffeur de taxi, entre le dos et le camelback. Mais quand le bonhomme raconte qu'il est parti de Béziers à quatre heures du matin pour se taper 160 km , je rigole moins... Dans le second col, la pluie fait son apparition. Plutôt fine au début, elle devient carrément forte une fois arrivé dans la vallée. A Poujols cependant, le café est (encore) fermé. pas moyen de s'abriter confortablement comme je l'avais envisagé. Je reprends donc la route, et fais une halte à la faveur d'une éclaircie pour casser la croûte. Le camping que je visais, à Tarassac ne répond pas. Et la pluie ne m'incite guère à aller voir s'il est ouvert. Je trace encore, jusqu'à Mons pour voir si il se présente d'autres solutions d'hébergement. A l'office du tourisme on m'indique bien un gîte d'étape, mais l'épicerie, le resto, le bar, tout est fermé ! Or, j'ai besoin de refaire le plein de pâtes. Je décide donc de poursuivre encore, en empruntant la voie verte, une piste cyclable aménagée sur l'ancienne voie de chemin de fer entre Mons et Mazamet. C'est assez sympa, la piste file dans la forêt, passe sur des aqueducs ou sous des tunnels (qui s'éclairent à mon passage, la classe). Surtout, elle offre une alternative tranquille à une route surchargée de camions. Mais le revêtement en graviers ne favorise pas le rendement. Je totalise déjà soixante kilomètres dans les pattes, et il m'en reste encore 25 jusqu'à Pons, où j'espère trouver un gîte ou un hôtel. De fait, la fin d'étape va être assez difficile... Arrivé à Pons, c'est la misère, le village est construit autour d'une rue principale, théâtre d'un ballet incessant et assourdissant de semi-remorques. Il pleut toujours. Je trouve finalement une chambre d'hôtes à la sortie du patelin. Pique-nique au lit et dodo. Je suis mort !
Humeur :
La France est plutôt propre, malgré les cow-boys
A rouler à train de sénateur, comme je le fais, j'ai tout le loisir d'admirer le paysage dans ses moindres détails. Et donc aussi les bas côtés de la route. Comme tous les randonneurs, je fais le constat d'une nette amélioration du comportement de nos compatriotes en matière de respect de l'environnement. Là où, il y a quelques années seulement, les détritus s'amoncellaient, les fossés des routes touristiques sont désormais relativement épargnés. Bien entendu, on trouve encore pas mal de déchets, dont majoritairement des paquets de cigarettes. Au rang desquels le Marlboro l'emporte haut la main. A vue de nez, sur dix détritus balancés dans le fossé, on trouve bien sept paquets de clopes, dont au moins cinq Marlboro. De là à en déduire que les fumeurs sont moins responsables que les autres... Ceci étant, à bien y réfléchir, la consommation de tabac est effectivement génératrice d'une quantité de déchets assez conséquente, dont on perle peu. Par endroits, on tombe aussi sur un nid de mégots, laissé là par un automobiliste dont le cendrier débordait. Je remarque aussi que le paquet rouge et blanc est fréquemment suivi, à quelques mètres d'une bouteille d'eau, d'une canette, d'un emballage de sandwich... Comme si le le cow Boy, desinhibé par la dernière cigarette, ainsi que par l'acte transgressif fondateur consistant à jeter son paquet vide, avait poussé l'irrespect un peu plus loin en se débarrassant, pendant qu'il y était, des autres déchets divers qui encombraient son habitacle personnel. Bref, le fumeur est éternellement confronté à la même situation : s'empoisonnant lui même, il a le plus grand mal à ne pas empoisonner les autres. Quand à nos chers vachers accros à la nicotine et à tous les additifs concoctés à leur attention par Philippe et Maurice, je dirai juste, pour paraphraser Norman Mailer, que les vrais durs ne polluent pas (voire même ne fument pas ?).
Etape 5 Saint Pons de Thomières / Cassagnoles (pardon, La Caune) - - 30 km
Chez Max et Alice
Le temps est toujours couvert, et l'étape marathon d'hier a laissé des traces. Il me faut prendre une décision sur ma destination. A départ, je pensais camper à Caunes Minervois, où je devais dîner avec mon ami Max et sa femme Alice, qui habitent à proximité. Mais le camping de Caunes est fermé. Et de toutes façons, la pluie fait plus que menacer. J'accepte donc l'invitation de Max à dormir chez lui. Ce qui me fera une petite étape, mais rallonge le parcours de la dernière journée. Je pars peu avant midi, fais quelques courses, et me rends à Labastide Rouairoux, en empruntant la voie Verte. Au bout de cinq kilomètres, je décide de rejoindre la route : ça n'avance pas sur la piste. Tant pis pour les camions, de toutes façons un peu plus rares à cette heure. Du coup les quelques kilomètres vers Labastide sont nettement moins monotones, et je ne les vois pas passer. A Labastide, casse croûte au bord de la rue principale, dans le vent des bahuts lancés à tout berzingue (photo), puis je repars vers Cassagnoles. Il faut franchir un petit col avant d'arriver, mais rien de bien difficile. En route, je croise un motard, qui n'amuse pas le terrain au guidon de sa 600 Yamaha montée en super motard. IL me fait un grand signe. Un peu plus tard, j'entends le monocylindre, toujours à fond, revenir sur moi. Le mec ralentit et me crie : "vous êtes le copain de Max ?" - Heu... oui ! - Bon courage ! , et il se jette comme un damné dans la courbe suivante. En fait c'est il s'agissait du voisin et partenaire de VTT de mon hôte. Je passe une excellente soirée, chez Max avec Alice et sa mère, dans le hameau qu'ils habitent en surplomb de Cassagnoles. Car ici c'est La Caune, attention, c'est pas pareil !
Alimentation
Pas besoin d'être un grand sportif pour partir sur les routes à vélo avec sa maison en remorque. Mais il est impératif de bien se connaître, ce qui est plutôt mon cas, en particulier gràce à la gestion quotidienne et souvent instinctive de mon handicap. Cela me permet entre autres de gérer mon effort lors des longues étapes, ou quand je me trouve dans une forme moyenne. De la même manière, l'alimentation est primordiale. Et là encore, il s'agit de trouver le régime qui vous convient le mieux. Mes parents sont partis à vélo durant de longues années, et je n'ai jamais compris comment ils faisaient (surtout mon père) pour gueuletonner autant. Le voyage était 30% sportif, 30% touristique et 40% gastronomique ! Pour ma part, je dois faire très attention à ce que je mange. Sinon la sanction est immédiate (voir le coup des chips avant le Pic de Nore). J'ai donc mis au point un système qui me convient parfaitement. Chaque soir je cuisine une double portion de pâtes, agrémentée d'une sauce (achetée à l'épicerie du coin pour limiter le chargement). J'en consomme la moitié, puis j'ajoute une sauce vinaigrette au reste, et le stocke dans ma popotte fermée, sous l'abside de la tente. Le matin, de bonne heure, je mange les pâtes dans mon duvet, puis me rendors pour une heure. Ensuite je me lève, prépare mes affaires tranquillement (il faut compter pas loin d'une heure et demi pour tout plier, ranger et charger), tout en prenant un café et quelques fruits frais et secs. Au moment de partir, j'ai emmagasiné suffisamment de forces pour envisager de rouler toute la journée. Je fais une petite halte lorsque je commence à avoir vraiment faim, et à ce moment là, un casse croute léger me suffit amplement.
Etape 6 Cassagnoles / Saissac - 58 km
Mobylette
IL pleut lorsque je me lève ce matin, et rejoins Max pour le petit déjeuner. Mon ami m'a proposé de me conduire à Saissac en voiture s'il le faut, mais j'ai envie de finir mon voyage sur deux (pardon, trois) roues ! Comme la pluie cesse, je décide donc de partir à vélo pour la dernière soixantaine de kilomètres de mon périple. Max m'a conseillé de m'arrêter chez le charcutier de Caunes, et je ne suis guère en avance, en partant à 10h50. Après cinq kilomètres, le paysage change brusquement pour devenir typiquement méditerranéen. Ce dont profite le vent pour entrer en scène ! Assez longue pause à Caunes, passage chez le charcutier, café, Libé... le rituel habituel quoi. Au départ de Caunes le vent m'attaque de front et ne me lâchera plus jusqu'à Saissac. Je suis assez pressé de finir, le temps menace, et l'humidité, ajoutée au vent me refroidit sérieusement. Je roule le plus longtemps possible, et m'arrête pour manger rapidement à Salsignes, à l'issue d'une sacrée montée à découvert. Max m'avait prédit que la dernière partie de l'étape serait assez "accidentée", il n'avait pas tord. Juste avant Salsignes, il s'est passé un truc incroyable : j'ai rattrapé un cycliste ! En l'occurrence il s'avère de nationalité anglaise, et particulièrement pendu ! Comme il cherche son chemin sur la carte, je m'aperçois qu'il se rend aussi à Saissac, mais il a prévu de passer par le nord, et Mas Cabardes. Je le lui déconseille, mais il n'a pas l'air de très bien comprendre ce que je lui dit. Finalement je le laisse et continue ma route. Une fois reparti de Salsignes, je roule doucement pour m'économiser et digérer. Avant Vilardonnel ça monte carrément raide, et j'y vais pianissimo. Mais à la sortie du village (café fermé... et merde !), je retrouve mon british, en train de pousser son Cannondale, dans une montée assez faible. Il m'a doublé lorsque j'étais arrêté, mais nous ne nous sommes pas vus. Il semble vraiment à l'agonie, mais il remonte bravement en selle et nous roulons de concert un moment en discutant. Il a l'air quand même moins halluciné que tout à l'heure, ce qui rend enfin le dialogue possible. Nous arrivons à l'embranchement de la route de Carcassonne à Mazamet, que nous devons emprunter sur deux kilomètres de montée franche en ligne droite. Je passe devant et adopte un rythme régulier, relativement soutenu, pour l'emmener. C'est dingue comme de rouler à deux aide à prendre un rythme, même si on fait tout le boulot. Au bout d'un peu plus d'un kilomètre, je commence à coincer un peu, et je me retourne pour lui demander de prendre le relai, mais il n'est point d'Anglais dans la roue de ma Yak. Le type est bien à trois cent mètres, à l'agonie. Tant pis, je termine la montée en essayant de garder le rythme malgré tout.Je m'arrache littérallement pour en finir, et je file vers Saissac. Il va sans dire que je ne le reverrai plus. Finalement, je termine dans la douleur, en luttant contre le vent et mes jambes douloureuses, mais j'ai trop envie d'arriver et je force comme une bourrrique. Je suis à Saissac à 16h pile. Pffff. j'ai roulé comme une mobylette aujourd'hui. Il me faudra plus de 48 heures pour ne plus avoir mal aux cuisses....
Epilogue
Ben voilà, un nouveau périple modeste s'achève. Cet été aura été celui de ma re-découverte du voyage à vélo. C'est certain, je ne suis parti ni très longtemps, ni dans des contrées exotiques, mais en l'occurrence peu de choses suffisent à faire votre bonheur. Mes cinquante kilomètres quotidiens ont paru faibles à certains (l'ouvrier de La Salvetat), énormes à d'autres (plus nombreux !), et font piètre figure par rapport au Clermont Ferrand / Toulouse avalé en deux jours par mon ami Ben. L'objectif n'était pas de battre des records, mais de se lancer un défi, et de vivre de bons moments. J'espère que tous ceux qui m'ont confié avoir eu envie de m'imiter, lorsque je les ai rencontré, ou à la lecture de l'épisode 1 vont effectivement préparer vélos, sacoches ou remorques et aller vivre leur aventure, en solo ou en couple. N'hésitez pas, c'est trop bon !
mardi 21 septembre 2010
vendredi 30 juillet 2010
Episode 1: 3 cylindres en Aveyron
En premier lieu, je dois vous expliquer pourquoi "trois cylindres". Les amateurs de motos anglaises, arrivés là par la magie de Google, vont être déçus : ce blog n' a rien à voir avec les Triumph. Trois cylindres est le surnom que m'avait donné François Gachet (ex champion de VTT), en rapport à mon physique d'ablette, mais surtout à mon handicap de la jambe droite. A vélo, effectivement je tourne sur trois cylindres (en référence aux quatre cylindres des moteurs les plus courants pour les moins férus de mécanique), puisque je pédale sur une jambe et demi. Bien entendu, l'usage de cales automatiques ou même de cale-pieds est inenvisageable. Mais l'important reste de continuer à pédaler, même sur "trois pattes". En route, donc !
Un tour en Aveyron
Celà faisait longtemps que j'avais envie de repartir sur la route à vélo, comme je l'avais fait avec mes parents voici très longtemps (1975 !). Hormis un petit raid en VTT, depuis je n'avais pas renouvellé l'expérience. Mon père et ma mère, eux ont continué longtemps, même s'ils ne dormaient plus sous la tente à soixante dix ans.
photo : Bretagne, 1977, entouré de ma mère et de trois de mes soeurs. Par où tout a commencé...
Il se trouve que cet été, j'ai un peu de temps, puisque je viens d'etre licencié. C'était pour moi l'occasion de me lancer dans un périple, dont le but était aussi de faire le vide. A l'origine, je voulais rallier Toulouse à Angoulême, pour visiter ma famille, fin juin. Mais des problèmes de calendrier vont me pousser à partir vers le 20 juillet, pour faire une petite excursion en Aveyron. Au départ, pour ne pas présumer de mes forces, j'ai préparé un itinéraire sur dix jours, composé d'étapes courtes. Finalement, je ferai beaucoup plus de kilomètres par jour, sur une durée moins longue.
Pour revenir aux préparatifs, j'ai donc assemblé un vélo, sur la base du cadre Sunn Exact Flex, initialement monté en single speed, dont je me servais en ville (découvrez le ici). Le résultat est carrément sympa, avec un équipement un poil surdimensionné, mais fiable. Les amateurs de vélo jugeront sur les photos. J'ai aussi fait l'acquisition d'une remorque B.O.B Yak, pour porter mon barda, et d'une tente de rando Ferrino. Le tout s'avérera tout simplement parfait ! Reste qu'il fallait aussi préparer le bonhomme. Et là, mon entraînement aura consisté essentiellement à faire du bord de canal du midi, à Toulouse. Un programme dit "à la Céré" (ceux qui savent comprendront, les autres peuvent me demander) théoriquement un peu léger pour aller s'aventurer en Aveyron, avec près de trente kilos à traîner derrière soit. Quelques jours avant de partir, cependant, de persistantes douleurs, jusque là inconnues, au genou droit m'inquiètent sérieusement. Je ne peux quasiment plus pédaler, et j'ai même souvent du mal à marcher. Je suis au bord de laisser tomber, lorsque j'exhume de mon garage une rallonge de pédale droite que m'avait usiné Alain Védère, chez Sunn, il ya bien quinze ans. Et là, miracle, mon genou n'étant plus en contrainte, la douleur disparaît. En route !
carte : le parcours finalement réalisé
Prologue : Ambialet / Lincou - 25 km.
Pour la première journée, je décide de faire une étape courte, afin de me familiariser avec la remorque. De toutes façons, un rendez-vous matinal, et des problèmes de frein arrière ne me permettent pas de partir tôt de Toulouse. Merci à Romain de m'avoir prêté le frein arrière qui me permet de partir. Et pas merci à Maxime / Marijo pour son "aide". Je rejoins Ambialet, mon point de départ en voiture. Les débuts sont hésitants avec la remorque bien chargée, et un poids mal réparti, mais les vingt cinq kilomètres sont avalés facilement jusqu'à Lincou, joli village en bord de Tarn, où je sacrifie à une ultime séance de mécanique (toujours le frein arrière !). Premier dîner de pâtes à l'eau, et demain on attaque les choses sérieuses.
photo : au camping de Lincou, premier bivouac
1ere étape : Lincou / Cassagnes Begonhes - 55 km.
Départ de Lincou en milieu de matinée, pour attaquer d'entrée l'ascension vers Réquista : un peu plus de 300 mètres de dénivelé en six kilomètres de montée assez constante. Ça passe finalement assez facilement, mais je m'arrête longuement à Réquista pour récupérer ! La vingtaine de kilomètres vers Villefranche de Panat va s'avérer difficile à cause du vent, et de mes jambes douloureuses. Le temps est plus qu'incertain, et je songe à prendre une chambre d'hotel. Finalement, après avoir déjeûné au bord du lac et fait une petite sieste, je repars vers Salmiech. Coucou à La Capelle Farcelle, lieu de mes vacances d'enfance, que je croise sur ma droite. J'y repasserai plus tard. Je prends une bonne averse en arrivant à Salmiech, et envisage très sérieusement de dormir à l'hotel. Mais après une longue hésitation, je repars pour le camping de Cassagne Begonhes. Lequel camping, municipal de son état, est situé en dehors du village, près d'un plan d'eau, et s'avère totalement désert. J'y suis chez moi, donc et je prends mes aises. Je dispose même d'un téléphone sur lequel je peux recevoir des appels ! La pluie arrive dans la nuit.
photos : Mon petit coin à moi tout seul / mes voisines de camping / mon bureau !
Jour de repos à Cassagne
La pluie quasi ininterrompue me décourage de bouger de Cassagne Begonhes. Je reste sous la tente une bonne partie de la matinée, puis me rends au village pour faire quelques courses. Déjeûner typiquement aveyronnais au restau, qui me confirme qu'il sera inenvisageable de prendre mes repas dans les auberges. Impossible de pédaler après de tels gueuletons ! Après midi, sieste à la tente - digestion oblige-, puis je regarde l'étape du Tour au bistrot, en compagnie de mon nouveau copain local, ex cycliste. Contador et Schleck font assaut d'amabilité dans le Tourmalet. Est-ce l'effet d'un Tour propre ? Ou propre sur lui ? Le soir, le temps se lève. De bon augure pour le lendemain. Je fête ça au deuxième troquet du village, plus altermondialiste que le premier.
photos : A Cassagnes Begonhes
2eme étape : Cassagnes / Vernhes - 45 km
Je déchante au petit matin : la pluie reprend, et semble vouloir s'installer durablement à en juger par un plafond aussi bas qu'uniformément gris.
Je décide de prendre mon temps, prépare mon chargement, et comme les intempéries semblent se calmer, je passe faire quelques courses au village en espérant que la tente sèche un peu. De retour au camping, je plie la tente, relativement, et prends la route à midi sous un ciel menaçant. Je rejoins la route de Salmiech à Villefranche, empruntée avant-hier, au niveau de la Capelle. Pour ce faire, je coupe par le Lagast. Haut lieu des randonnées familiales d'antan. Le ton de la journée est donné : ça monte, ça descend, ça remonte... A la Capelle, séance photo, et rencontre avec Janine, l'une des filles de la famille Vigroux chez qui nous louions nos maisons de vacances dans les années soixante dix.
photos : A La Capelle Farcelle : Monsieur "Je suis partout" - je n'ai pas fini de le croiser celui-là ! / La tour de Peyrebrune à l'horizon : c'est là qu'on va maintenant. / L'Aveyron ressemble parfois étrangement à la Bretagne.
Je m'arrête ensuite à Alrance, où je casse la croûte avant d'attaquer la montée vers la tour de Peyrebrune, où je fais quelques photos. Puis direction Salles-Curan par la route dite "du haut ou "des fermes". La route reste en hauteur, effectivement, mais ne se prive pas pour descendre, afin de mieux remonter ensuite. Elle est en assez mauvais état, et je ne croise qu'une seule auto en près de vingt kilomètres. J'aperçois le lac de Parelou sur ma droite, mais jamais je ne bifurque. Après une succession interminable de bosses, je descends finalement vers Salles-Curan, dont j'évite les campings du bord de lac et leurs animations disco, pour opter pour un camping à la ferme, très sympa à Vernhes.
photos : La tour de Peyrebrune : Je Suis Partout surveille la vallée, lui même sous la vigilance de sa maman !
Rencontre : Le cuisinier philosophe. Trente ans après avoir repris le restaurant des Bonnafous, à Alrance, le maître des lieux, arbrant un nonchalant gatogan grisonnant et portant fièrement l'uniforme de sa fonction de cuisinier, affiche une décontraction distanciée teintée de provocation. Le genre qui en a vu d'autres, et se complaît dans son bled reculé. Il ne court pas plus que cela après les clients d'ailleurs, préférant limiter le nombre de couverts, pour mieux faire apprécier ses talents culinaires et réthoriques. Il tape la discute avec moi alors que je saucissonne avant d'attaquer la montée vers la tour de Peyrebrune. Il lit Guignard, dont il considère qu'il sera enseigné en cours de philo dans quelques années, mais s'est fait une cure de Beauvoir / Sartre cette année, chez qui il a trouvé des idées bien moins connotées qu'on ne le dit. Onfray ? il a bien aimé les premiers, mais on sent que la médiatisation de l'iconoclaste professionnel normand l'agace un peu.
photos : Vues depuis le sommet de la tour de Peyrebrune : les causses, le lac de Villefranche de Panat, la vallée d'Alrance.
3eme étape : Vernhes / Saint Rome sur Tarn - 64 km
Au départ du camping je ne suis pas très en jambes, pas très propre non plus, puisque j'ai perdu ma serviette de toilette en la faisant sêcher en cours de route hier, et que je n'ai donc pas pris de douche. Arrêt ravitaillement au marché de Salles-Curan, puis j'attaque la route vers la vallée du Tarn, et le viaduc de Millau. L'ascension est longue vers le col de Vernhette, point culminant de mon périple, sur une route large, et battue par le vent. Les paysages de causse sont superbes, mais ce P... de zef me rend la vie difficile ! Arrivé à Montjaux, je casse la croûte sur la place du village, avec vue sur le viaduc au loin. Un camp d'ados déchaînés déboule sur les Commençal Absolut de loc', et me chasse avant d'avoir fait la photo du panorama ! La descente dans la vallée est impressionnante. Il faut dire qu'on dégringole de 700 mètres en quelques kilomètres. En bas de la vallée, deux solutions s'offrent moi : à droite, direction Saint Rome, et l'Auberge, où j'ai réservé une chambre, à gauche, direction Peyre, non loin du viaduc, pour un peu de tourisme et trente kilomètres de plus. J'opte pour la seconde option malgré des jambes en bois. L'aller s'avère pénible, et je redoute le retour, mais finalement ça se passe pas mal, avant de devoir affronter la montée finale pour St Rome. Trop préoccupé par mes capacités physiques (je redoute la défaillance), je ne fais toujours pas de photo du viaduc et du village troglo de Peyre. C'est pas grave, il y en a plein sur le net !
photos : Au point culminant de mon périple / Sieste à Montjaux / Départ de Montjaux devant le chateau.
Rencontre : Greg, de l'auberge de St Rome et les travellers jazzeux.
Le patron de l'auberge de Saint Rome s'avère être un trentenaire particulièrement sympa, et de ce fait unanimement apprécié. Alors qu'un gratteux enchaîne des standards du rock et de la variété internationnale en terrasse, un groupe de travellers débarque et propose de faire un concert de jazz manouche. La bande voyage avec des ânes et des juments, assistée par un vieux camion. Le contre-bassiste, avec qui je discute, circule à vélo avec une cariolle. Son attellage n'a rien à voir avec le mien, mais la communauté de mode de déplacement permet d'engager la conversation. Greg va proposer à la bande de jouer pendant la pose du guitariste, puis après son second set. Dans l'intervalle, plutôt de que les laisser passer le chapeau auprès de ses clients, il leur offre à dîner. La musique est carrément pas mal, et l'ambiance bon enfant se prolonge jusque vers minuit.
photos : Jazz manouche à Saint Rome.
4eme étape : Saint Rome / St Felix de Sorgue - 35 km
Une étape courte, mais nettement plus intense que je ne l'avais prévu ! Je redoutais la montée à Roquefort, mais finalement, le départ de Saint Rome sur une toute large, ventée et pentue sera plus difficile. Il fait carrément froid et humide à Roquefort, et la suite est encore plus dure, surtout en raison de jambes toujours récalcitrantes : je passe un petit col, descends dans une vallée, mais pour remonter aussi sec, et reprendre le vent dans les causses, avant d'en finir par une descente courte et raide. A saint Félix l'accueil est chaleureux, au gîte Carpe Diem, tenu par deux lesbiennes cinquantenaires (qui ont le look de l'emploi) et super cathos. Cocktail pas si détonnant que cela, soit dit en passant. Elles m'invitent à les accompager derechef à l'abbaye de Sylvanes pour assister à un concert de musique baroque. C'est l'occasion de découvrir la montée qui m'attend pour le lendemain ! Bonnes discussions avec les deux spécimens, infirmières de leur état, mais surtout groupies inconditionnelles de l'abbée Gousse, qui a rénové l'abbaye et milite pour un christianisme oeucuménique. Elles parlent de Vatican 2 comme un crypto communiste le ferait du Capital de Marx, et sont encore tout émoustillées par la messe du matin même, diffusée depuis Sylvanès sur les ondes de France Culture.
Rencontre : outre mes logeuses : l'épicier de Saint Félix.
L'épicerie de Saint Félix est du mode à l'ancienne : petite échoppe creusée dans la muraille, à laquelle on accède en descendant une marche. Elle tient de l'antre, autant par l'aspect du lieu que par le personnage qui l'habite. La barbe grise très fournie cache à grand peine les chicots et la couperose, et le regard qui la surplombe est à la fois facétieux et complètment allumé. Mystique empruntant à toutes les traditions religieuses, même s'il reconnaît devoir beaucoup aux pères de l'église catholique qui l'ont éduqué, le bonhomme développe à l'envi ses pensées tortueuses, faites d'agrégats empruntés un peu partout - et surtout ailleurs- et de jeux de mots ou d'association d'idées assez rigolotes, sinon fécondes. Bref, venu acheter une tomate et un concombre pour le lendemain, je suis resté trois quarts d'heure, et y serai encore si je m'étais laissé faire ! L'épicier est autant apprécié des enfants du village que décrié par les adultes, qui lui reprochent de diffuser à volume tonitruant de la musique bizarre (voire la fameuse messe du matin même), de ne pas faire preuve d'une hygiène irréprochable dans la tenue de sa boutique, comme de la sienne propre, et de s'adonner quelque peu à la boisson. Bon d'accord, mais une épicerie ouverte tous les jours de très tôt jusqu'à fort tard dans un village comme St Félix, ça ne court pas les rues. Il s'avèrera d'ailleurs pas la suite que le personnage est célèbre à des kilomètres à la ronde.
photos : sandwich roquefort / jambon, à Roquefort. Ça caille ! / Passage d'un petit col après Roquefort, ça caille toujours. / Au dessus de Roquefort, on aperçoit le village de Tournemire.
5eme étape : Saint Félix : Saint Izaire - 64 km
J'avais initialement prévu de rallier Belmont sur Rance depuis Saint Félix, mais le temps encore plus menaçant et la nécessité de m'acheter une serviette me poussent à choisir Saint Affrique comme destination finale. Pour autant, je fais le détour par Sylvanès et Camarès. La montée à Sylvanes se fait les doigts dans le nez : elle est nettement plus facile que je ne le pensais, et surtout, mes jambes sont revenues. Par contre il fait un froid terrible ! Entre l'abbaye et Camarès, je prends le vent en pleine face. Il ne me lâchera plus de la journée. A Camarès, photos et quelques courses, puis j'attaque la route vers Saint Affrique. C'est une large départementale très fréquentée par des camions pilotés à vive allure, et qui n'arrangent rien à mes problèmes éoliens. Je trouve tout de même un coin sympa pour manger un morceau sur un bout de rougier (la terre rouge de Camarès) en bordure du Dourdou, et sous une éclaircie bienvenue. Une fois reparti, la route est pénible en raison du vent, mais les jambes tournent toute seules, heureusement. En arrivant à quatre kilomètres de Saint Affrique, un groupe de cyclistes danois me laisse le passage à une intersection. Je termine sur un rythme plutôt soutenu, pour le plaisir, et à l'entrée de St Affrique, je constate qu'ils ont tous pris ma roue. Alors que je trimballe ma remorque, ils m'ont laissé faire tout le boulot ! Saint Affrique ne me plaît pas, je n'ai pas envie d'y camper, aussi, après avoir acheté la fameuse serviette, je repars, direction Saint Izaire, où se trouve normalement un camping. Les dix sept kilomètres sont assez faciles, mais le vent persiste à vouloir me freiner. Une fois sur place, en fait de camping, je ne trouve que quelques emplacements en bordure du stade. Celui qui était indiqué dans l'annuaire se trouve en fait à dix kilomètres. C'est bon, j'ai mon compte pour la journée : je décide donc de dormir à l'auberge du coin. Sur la place du village, un garçon d'à peine plus d'un an semble fasciné par mon vélo. Je lui fait faire quelques tours dans la remorque.
Rencontre : la communauté des vieilles hyppies.
Elles sont quatre, attablées en terrasse depuis la fin de l'après midi à s'allumer au kir. Après le dîner il en reste trois qui ne baissent toujours pas le rythme. Elles m'interpellent et m'invitent à me joindre à elles. Kriss, Corinne et Brigitte sont trois hyppies pur jus, la mi cinquantaine, complètement "boulies", selon leur termes (bourrées, quoi). Brigitte fait de la sculpture et de la musique (un peu comme l'épicier de Saint Félix, mais en mieux). La discussion est pour le moins chaotique et embrouillée. Les patrons de l'auberge, inquiets de laisser leur unique client de la soirée entre de telles griffes, se joignent à nous à contre-coeur. Bref, c'est du grand n'importe quoi, mais plutôt sympatique. Les trois m'entraînent chez elles pour me montrer leur tanière et les oeuvres de Brigitte. J'ai l'impression de plonger dans un autre monde !
photos : L'abbaye de Sylvanes / Le fameux pont de Camarès / Mon coin de rougier en bord de Dourdou / Saint Izaire / Toujours lui !
6eme étape : Saint Izaire / Belmont sur Rance - 40 km
Je n'ai bu que deux bières la veille, mais je sens qu'il va falloir brûler les toxines aujourd'hui. J'ai concocté un nouvel itinéraire pour me permettre de prolonger mon séjour, puisque je suis en avance d'une journée sur mon planning - en fait jamais vraiment respecté. Je remonte vers la vallée du tarn, passe sur l'autre rive, puis repars sur le causse en directin de Belmont. Rien de tel pour décrasser qu'une bonne ascension ? je vais être servi dès Broquiès, puis en continuant sur les crêtes avant de descendre sur Brousse le Chateau. Le soleil est enfin là, et j'en profite pour faire une petite séance d'auto-portraits en action. A Brousse, petit marché, où la femme à qui j'achète deux pèches m'en offre deux de plus, et ajoute une énorme tomate, parceque je suis à vélo, avec la remorque. Par contre, plus de pain. Je repars dans la vallée parallèle à celle empruntée la veille pour arriver à Saint Izaire. Je m'arrête déjêuner, et je me prépare quelques pâtes, en l'absence de pain. Le temps est au beau fixe, et il commence à faire très très chaud. J'attends un peu avant de repartir, mais les taons m'attaquent sans cesse, et me font prendre la fuite ! Problème, je n'ai plus d'eau, j'ai presque tout utilisé pour les nouilles. La fin d'étape, sous une chaleur impressionnante, et toujours avec le vent, va être difficile. A Belmont, cependant, le camping est très mignon, et pas cher du tout. Je suis content de retrouver ma tente après trois nuits dans un vrai lit !
photos : Séance action ! / Le vent du causse / Une croix sur le rougier / Végétation typique du rougier
7eme étape : Belmont / Ambialet - 56 km
Pour rejoindre Ambialet, je choisis les petites routes vallonnées. Doux euphémisme ! Mais les quelques bonnes bosses de la matinée s'avalent assez facilement. Je suis à Saint Sernin à midi, où je fais quelques courses, puis je pousse dix kilomètres plus loin, avant qu'il ne fasse trop chaud, pour manger à Plaisance, en bordure du Rance. Après une ultime montée, qui me sèche bien, sous le soleil, je rejoins Ambialet par la rive opposée du Tarn, par rapport à l'aller. La route est nettement plus agréable. Et voilà, la boucle est bouclée, toujours sur trois pattes, même si la cylindrée a un peu augmenté, et finalement assez facilement. On repart quand ?
photos : Retour à Ambialet
Epilogue : Je voudrais lui dire merci... et à la tienne !
C'est lui qui prenait la photo, en 77, en Bretagne. Lui qui m'a mis sur un vélo. Mon père, parti pédaler ailleurs aujourd'hui, mais qui mouline toujours à mes cotés, dans son style inimitable et dans les collines aveyronnaises qu'il affectionnait tant.
Un tour en Aveyron
Celà faisait longtemps que j'avais envie de repartir sur la route à vélo, comme je l'avais fait avec mes parents voici très longtemps (1975 !). Hormis un petit raid en VTT, depuis je n'avais pas renouvellé l'expérience. Mon père et ma mère, eux ont continué longtemps, même s'ils ne dormaient plus sous la tente à soixante dix ans.
photo : Bretagne, 1977, entouré de ma mère et de trois de mes soeurs. Par où tout a commencé...
Il se trouve que cet été, j'ai un peu de temps, puisque je viens d'etre licencié. C'était pour moi l'occasion de me lancer dans un périple, dont le but était aussi de faire le vide. A l'origine, je voulais rallier Toulouse à Angoulême, pour visiter ma famille, fin juin. Mais des problèmes de calendrier vont me pousser à partir vers le 20 juillet, pour faire une petite excursion en Aveyron. Au départ, pour ne pas présumer de mes forces, j'ai préparé un itinéraire sur dix jours, composé d'étapes courtes. Finalement, je ferai beaucoup plus de kilomètres par jour, sur une durée moins longue.
Pour revenir aux préparatifs, j'ai donc assemblé un vélo, sur la base du cadre Sunn Exact Flex, initialement monté en single speed, dont je me servais en ville (découvrez le ici). Le résultat est carrément sympa, avec un équipement un poil surdimensionné, mais fiable. Les amateurs de vélo jugeront sur les photos. J'ai aussi fait l'acquisition d'une remorque B.O.B Yak, pour porter mon barda, et d'une tente de rando Ferrino. Le tout s'avérera tout simplement parfait ! Reste qu'il fallait aussi préparer le bonhomme. Et là, mon entraînement aura consisté essentiellement à faire du bord de canal du midi, à Toulouse. Un programme dit "à la Céré" (ceux qui savent comprendront, les autres peuvent me demander) théoriquement un peu léger pour aller s'aventurer en Aveyron, avec près de trente kilos à traîner derrière soit. Quelques jours avant de partir, cependant, de persistantes douleurs, jusque là inconnues, au genou droit m'inquiètent sérieusement. Je ne peux quasiment plus pédaler, et j'ai même souvent du mal à marcher. Je suis au bord de laisser tomber, lorsque j'exhume de mon garage une rallonge de pédale droite que m'avait usiné Alain Védère, chez Sunn, il ya bien quinze ans. Et là, miracle, mon genou n'étant plus en contrainte, la douleur disparaît. En route !
carte : le parcours finalement réalisé
Prologue : Ambialet / Lincou - 25 km.
Pour la première journée, je décide de faire une étape courte, afin de me familiariser avec la remorque. De toutes façons, un rendez-vous matinal, et des problèmes de frein arrière ne me permettent pas de partir tôt de Toulouse. Merci à Romain de m'avoir prêté le frein arrière qui me permet de partir. Et pas merci à Maxime / Marijo pour son "aide". Je rejoins Ambialet, mon point de départ en voiture. Les débuts sont hésitants avec la remorque bien chargée, et un poids mal réparti, mais les vingt cinq kilomètres sont avalés facilement jusqu'à Lincou, joli village en bord de Tarn, où je sacrifie à une ultime séance de mécanique (toujours le frein arrière !). Premier dîner de pâtes à l'eau, et demain on attaque les choses sérieuses.
photo : au camping de Lincou, premier bivouac
1ere étape : Lincou / Cassagnes Begonhes - 55 km.
Départ de Lincou en milieu de matinée, pour attaquer d'entrée l'ascension vers Réquista : un peu plus de 300 mètres de dénivelé en six kilomètres de montée assez constante. Ça passe finalement assez facilement, mais je m'arrête longuement à Réquista pour récupérer ! La vingtaine de kilomètres vers Villefranche de Panat va s'avérer difficile à cause du vent, et de mes jambes douloureuses. Le temps est plus qu'incertain, et je songe à prendre une chambre d'hotel. Finalement, après avoir déjeûné au bord du lac et fait une petite sieste, je repars vers Salmiech. Coucou à La Capelle Farcelle, lieu de mes vacances d'enfance, que je croise sur ma droite. J'y repasserai plus tard. Je prends une bonne averse en arrivant à Salmiech, et envisage très sérieusement de dormir à l'hotel. Mais après une longue hésitation, je repars pour le camping de Cassagne Begonhes. Lequel camping, municipal de son état, est situé en dehors du village, près d'un plan d'eau, et s'avère totalement désert. J'y suis chez moi, donc et je prends mes aises. Je dispose même d'un téléphone sur lequel je peux recevoir des appels ! La pluie arrive dans la nuit.
photos : Mon petit coin à moi tout seul / mes voisines de camping / mon bureau !
Jour de repos à Cassagne
La pluie quasi ininterrompue me décourage de bouger de Cassagne Begonhes. Je reste sous la tente une bonne partie de la matinée, puis me rends au village pour faire quelques courses. Déjeûner typiquement aveyronnais au restau, qui me confirme qu'il sera inenvisageable de prendre mes repas dans les auberges. Impossible de pédaler après de tels gueuletons ! Après midi, sieste à la tente - digestion oblige-, puis je regarde l'étape du Tour au bistrot, en compagnie de mon nouveau copain local, ex cycliste. Contador et Schleck font assaut d'amabilité dans le Tourmalet. Est-ce l'effet d'un Tour propre ? Ou propre sur lui ? Le soir, le temps se lève. De bon augure pour le lendemain. Je fête ça au deuxième troquet du village, plus altermondialiste que le premier.
photos : A Cassagnes Begonhes
2eme étape : Cassagnes / Vernhes - 45 km
Je déchante au petit matin : la pluie reprend, et semble vouloir s'installer durablement à en juger par un plafond aussi bas qu'uniformément gris.
Je décide de prendre mon temps, prépare mon chargement, et comme les intempéries semblent se calmer, je passe faire quelques courses au village en espérant que la tente sèche un peu. De retour au camping, je plie la tente, relativement, et prends la route à midi sous un ciel menaçant. Je rejoins la route de Salmiech à Villefranche, empruntée avant-hier, au niveau de la Capelle. Pour ce faire, je coupe par le Lagast. Haut lieu des randonnées familiales d'antan. Le ton de la journée est donné : ça monte, ça descend, ça remonte... A la Capelle, séance photo, et rencontre avec Janine, l'une des filles de la famille Vigroux chez qui nous louions nos maisons de vacances dans les années soixante dix.
photos : A La Capelle Farcelle : Monsieur "Je suis partout" - je n'ai pas fini de le croiser celui-là ! / La tour de Peyrebrune à l'horizon : c'est là qu'on va maintenant. / L'Aveyron ressemble parfois étrangement à la Bretagne.
Je m'arrête ensuite à Alrance, où je casse la croûte avant d'attaquer la montée vers la tour de Peyrebrune, où je fais quelques photos. Puis direction Salles-Curan par la route dite "du haut ou "des fermes". La route reste en hauteur, effectivement, mais ne se prive pas pour descendre, afin de mieux remonter ensuite. Elle est en assez mauvais état, et je ne croise qu'une seule auto en près de vingt kilomètres. J'aperçois le lac de Parelou sur ma droite, mais jamais je ne bifurque. Après une succession interminable de bosses, je descends finalement vers Salles-Curan, dont j'évite les campings du bord de lac et leurs animations disco, pour opter pour un camping à la ferme, très sympa à Vernhes.
photos : La tour de Peyrebrune : Je Suis Partout surveille la vallée, lui même sous la vigilance de sa maman !
Rencontre : Le cuisinier philosophe. Trente ans après avoir repris le restaurant des Bonnafous, à Alrance, le maître des lieux, arbrant un nonchalant gatogan grisonnant et portant fièrement l'uniforme de sa fonction de cuisinier, affiche une décontraction distanciée teintée de provocation. Le genre qui en a vu d'autres, et se complaît dans son bled reculé. Il ne court pas plus que cela après les clients d'ailleurs, préférant limiter le nombre de couverts, pour mieux faire apprécier ses talents culinaires et réthoriques. Il tape la discute avec moi alors que je saucissonne avant d'attaquer la montée vers la tour de Peyrebrune. Il lit Guignard, dont il considère qu'il sera enseigné en cours de philo dans quelques années, mais s'est fait une cure de Beauvoir / Sartre cette année, chez qui il a trouvé des idées bien moins connotées qu'on ne le dit. Onfray ? il a bien aimé les premiers, mais on sent que la médiatisation de l'iconoclaste professionnel normand l'agace un peu.
photos : Vues depuis le sommet de la tour de Peyrebrune : les causses, le lac de Villefranche de Panat, la vallée d'Alrance.
3eme étape : Vernhes / Saint Rome sur Tarn - 64 km
Au départ du camping je ne suis pas très en jambes, pas très propre non plus, puisque j'ai perdu ma serviette de toilette en la faisant sêcher en cours de route hier, et que je n'ai donc pas pris de douche. Arrêt ravitaillement au marché de Salles-Curan, puis j'attaque la route vers la vallée du Tarn, et le viaduc de Millau. L'ascension est longue vers le col de Vernhette, point culminant de mon périple, sur une route large, et battue par le vent. Les paysages de causse sont superbes, mais ce P... de zef me rend la vie difficile ! Arrivé à Montjaux, je casse la croûte sur la place du village, avec vue sur le viaduc au loin. Un camp d'ados déchaînés déboule sur les Commençal Absolut de loc', et me chasse avant d'avoir fait la photo du panorama ! La descente dans la vallée est impressionnante. Il faut dire qu'on dégringole de 700 mètres en quelques kilomètres. En bas de la vallée, deux solutions s'offrent moi : à droite, direction Saint Rome, et l'Auberge, où j'ai réservé une chambre, à gauche, direction Peyre, non loin du viaduc, pour un peu de tourisme et trente kilomètres de plus. J'opte pour la seconde option malgré des jambes en bois. L'aller s'avère pénible, et je redoute le retour, mais finalement ça se passe pas mal, avant de devoir affronter la montée finale pour St Rome. Trop préoccupé par mes capacités physiques (je redoute la défaillance), je ne fais toujours pas de photo du viaduc et du village troglo de Peyre. C'est pas grave, il y en a plein sur le net !
photos : Au point culminant de mon périple / Sieste à Montjaux / Départ de Montjaux devant le chateau.
Rencontre : Greg, de l'auberge de St Rome et les travellers jazzeux.
Le patron de l'auberge de Saint Rome s'avère être un trentenaire particulièrement sympa, et de ce fait unanimement apprécié. Alors qu'un gratteux enchaîne des standards du rock et de la variété internationnale en terrasse, un groupe de travellers débarque et propose de faire un concert de jazz manouche. La bande voyage avec des ânes et des juments, assistée par un vieux camion. Le contre-bassiste, avec qui je discute, circule à vélo avec une cariolle. Son attellage n'a rien à voir avec le mien, mais la communauté de mode de déplacement permet d'engager la conversation. Greg va proposer à la bande de jouer pendant la pose du guitariste, puis après son second set. Dans l'intervalle, plutôt de que les laisser passer le chapeau auprès de ses clients, il leur offre à dîner. La musique est carrément pas mal, et l'ambiance bon enfant se prolonge jusque vers minuit.
photos : Jazz manouche à Saint Rome.
4eme étape : Saint Rome / St Felix de Sorgue - 35 km
Une étape courte, mais nettement plus intense que je ne l'avais prévu ! Je redoutais la montée à Roquefort, mais finalement, le départ de Saint Rome sur une toute large, ventée et pentue sera plus difficile. Il fait carrément froid et humide à Roquefort, et la suite est encore plus dure, surtout en raison de jambes toujours récalcitrantes : je passe un petit col, descends dans une vallée, mais pour remonter aussi sec, et reprendre le vent dans les causses, avant d'en finir par une descente courte et raide. A saint Félix l'accueil est chaleureux, au gîte Carpe Diem, tenu par deux lesbiennes cinquantenaires (qui ont le look de l'emploi) et super cathos. Cocktail pas si détonnant que cela, soit dit en passant. Elles m'invitent à les accompager derechef à l'abbaye de Sylvanes pour assister à un concert de musique baroque. C'est l'occasion de découvrir la montée qui m'attend pour le lendemain ! Bonnes discussions avec les deux spécimens, infirmières de leur état, mais surtout groupies inconditionnelles de l'abbée Gousse, qui a rénové l'abbaye et milite pour un christianisme oeucuménique. Elles parlent de Vatican 2 comme un crypto communiste le ferait du Capital de Marx, et sont encore tout émoustillées par la messe du matin même, diffusée depuis Sylvanès sur les ondes de France Culture.
Rencontre : outre mes logeuses : l'épicier de Saint Félix.
L'épicerie de Saint Félix est du mode à l'ancienne : petite échoppe creusée dans la muraille, à laquelle on accède en descendant une marche. Elle tient de l'antre, autant par l'aspect du lieu que par le personnage qui l'habite. La barbe grise très fournie cache à grand peine les chicots et la couperose, et le regard qui la surplombe est à la fois facétieux et complètment allumé. Mystique empruntant à toutes les traditions religieuses, même s'il reconnaît devoir beaucoup aux pères de l'église catholique qui l'ont éduqué, le bonhomme développe à l'envi ses pensées tortueuses, faites d'agrégats empruntés un peu partout - et surtout ailleurs- et de jeux de mots ou d'association d'idées assez rigolotes, sinon fécondes. Bref, venu acheter une tomate et un concombre pour le lendemain, je suis resté trois quarts d'heure, et y serai encore si je m'étais laissé faire ! L'épicier est autant apprécié des enfants du village que décrié par les adultes, qui lui reprochent de diffuser à volume tonitruant de la musique bizarre (voire la fameuse messe du matin même), de ne pas faire preuve d'une hygiène irréprochable dans la tenue de sa boutique, comme de la sienne propre, et de s'adonner quelque peu à la boisson. Bon d'accord, mais une épicerie ouverte tous les jours de très tôt jusqu'à fort tard dans un village comme St Félix, ça ne court pas les rues. Il s'avèrera d'ailleurs pas la suite que le personnage est célèbre à des kilomètres à la ronde.
photos : sandwich roquefort / jambon, à Roquefort. Ça caille ! / Passage d'un petit col après Roquefort, ça caille toujours. / Au dessus de Roquefort, on aperçoit le village de Tournemire.
5eme étape : Saint Félix : Saint Izaire - 64 km
J'avais initialement prévu de rallier Belmont sur Rance depuis Saint Félix, mais le temps encore plus menaçant et la nécessité de m'acheter une serviette me poussent à choisir Saint Affrique comme destination finale. Pour autant, je fais le détour par Sylvanès et Camarès. La montée à Sylvanes se fait les doigts dans le nez : elle est nettement plus facile que je ne le pensais, et surtout, mes jambes sont revenues. Par contre il fait un froid terrible ! Entre l'abbaye et Camarès, je prends le vent en pleine face. Il ne me lâchera plus de la journée. A Camarès, photos et quelques courses, puis j'attaque la route vers Saint Affrique. C'est une large départementale très fréquentée par des camions pilotés à vive allure, et qui n'arrangent rien à mes problèmes éoliens. Je trouve tout de même un coin sympa pour manger un morceau sur un bout de rougier (la terre rouge de Camarès) en bordure du Dourdou, et sous une éclaircie bienvenue. Une fois reparti, la route est pénible en raison du vent, mais les jambes tournent toute seules, heureusement. En arrivant à quatre kilomètres de Saint Affrique, un groupe de cyclistes danois me laisse le passage à une intersection. Je termine sur un rythme plutôt soutenu, pour le plaisir, et à l'entrée de St Affrique, je constate qu'ils ont tous pris ma roue. Alors que je trimballe ma remorque, ils m'ont laissé faire tout le boulot ! Saint Affrique ne me plaît pas, je n'ai pas envie d'y camper, aussi, après avoir acheté la fameuse serviette, je repars, direction Saint Izaire, où se trouve normalement un camping. Les dix sept kilomètres sont assez faciles, mais le vent persiste à vouloir me freiner. Une fois sur place, en fait de camping, je ne trouve que quelques emplacements en bordure du stade. Celui qui était indiqué dans l'annuaire se trouve en fait à dix kilomètres. C'est bon, j'ai mon compte pour la journée : je décide donc de dormir à l'auberge du coin. Sur la place du village, un garçon d'à peine plus d'un an semble fasciné par mon vélo. Je lui fait faire quelques tours dans la remorque.
Rencontre : la communauté des vieilles hyppies.
Elles sont quatre, attablées en terrasse depuis la fin de l'après midi à s'allumer au kir. Après le dîner il en reste trois qui ne baissent toujours pas le rythme. Elles m'interpellent et m'invitent à me joindre à elles. Kriss, Corinne et Brigitte sont trois hyppies pur jus, la mi cinquantaine, complètement "boulies", selon leur termes (bourrées, quoi). Brigitte fait de la sculpture et de la musique (un peu comme l'épicier de Saint Félix, mais en mieux). La discussion est pour le moins chaotique et embrouillée. Les patrons de l'auberge, inquiets de laisser leur unique client de la soirée entre de telles griffes, se joignent à nous à contre-coeur. Bref, c'est du grand n'importe quoi, mais plutôt sympatique. Les trois m'entraînent chez elles pour me montrer leur tanière et les oeuvres de Brigitte. J'ai l'impression de plonger dans un autre monde !
photos : L'abbaye de Sylvanes / Le fameux pont de Camarès / Mon coin de rougier en bord de Dourdou / Saint Izaire / Toujours lui !
6eme étape : Saint Izaire / Belmont sur Rance - 40 km
Je n'ai bu que deux bières la veille, mais je sens qu'il va falloir brûler les toxines aujourd'hui. J'ai concocté un nouvel itinéraire pour me permettre de prolonger mon séjour, puisque je suis en avance d'une journée sur mon planning - en fait jamais vraiment respecté. Je remonte vers la vallée du tarn, passe sur l'autre rive, puis repars sur le causse en directin de Belmont. Rien de tel pour décrasser qu'une bonne ascension ? je vais être servi dès Broquiès, puis en continuant sur les crêtes avant de descendre sur Brousse le Chateau. Le soleil est enfin là, et j'en profite pour faire une petite séance d'auto-portraits en action. A Brousse, petit marché, où la femme à qui j'achète deux pèches m'en offre deux de plus, et ajoute une énorme tomate, parceque je suis à vélo, avec la remorque. Par contre, plus de pain. Je repars dans la vallée parallèle à celle empruntée la veille pour arriver à Saint Izaire. Je m'arrête déjêuner, et je me prépare quelques pâtes, en l'absence de pain. Le temps est au beau fixe, et il commence à faire très très chaud. J'attends un peu avant de repartir, mais les taons m'attaquent sans cesse, et me font prendre la fuite ! Problème, je n'ai plus d'eau, j'ai presque tout utilisé pour les nouilles. La fin d'étape, sous une chaleur impressionnante, et toujours avec le vent, va être difficile. A Belmont, cependant, le camping est très mignon, et pas cher du tout. Je suis content de retrouver ma tente après trois nuits dans un vrai lit !
photos : Séance action ! / Le vent du causse / Une croix sur le rougier / Végétation typique du rougier
7eme étape : Belmont / Ambialet - 56 km
Pour rejoindre Ambialet, je choisis les petites routes vallonnées. Doux euphémisme ! Mais les quelques bonnes bosses de la matinée s'avalent assez facilement. Je suis à Saint Sernin à midi, où je fais quelques courses, puis je pousse dix kilomètres plus loin, avant qu'il ne fasse trop chaud, pour manger à Plaisance, en bordure du Rance. Après une ultime montée, qui me sèche bien, sous le soleil, je rejoins Ambialet par la rive opposée du Tarn, par rapport à l'aller. La route est nettement plus agréable. Et voilà, la boucle est bouclée, toujours sur trois pattes, même si la cylindrée a un peu augmenté, et finalement assez facilement. On repart quand ?
photos : Retour à Ambialet
Epilogue : Je voudrais lui dire merci... et à la tienne !
C'est lui qui prenait la photo, en 77, en Bretagne. Lui qui m'a mis sur un vélo. Mon père, parti pédaler ailleurs aujourd'hui, mais qui mouline toujours à mes cotés, dans son style inimitable et dans les collines aveyronnaises qu'il affectionnait tant.
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